La simulation comme outil d’apprentissage de l’éthique en santé dans les études médicales

Thèse de Philosophie.
Laboratoire d’accueil : Ethique, Professionnalisme et Santé, EA4686, Brest
Directeur : Pr Jean Jouquan, Faculté de Médecine de Brest.
Co Directeur : Pr André Quaderi, Département de Psychologie, Faculté des Lettres de Nice.

Equipe d’Accueil « Ethique, Professionnalisme et Santé »

CONTEXTE ET EXPOSE DE LA PROBLEMATIQUE
Aujourd’hui il n’existe pas pour la profession médicale, collaborant par ailleurs à l’échelle mondiale dans le domaine de la recherche et des thérapies, de programme de base universel pour l’enseignement de l’éthique.
En France l’enseignement d’éthique médicale est explicitement nommée au nouveau programme (2013) des études du second cycle (DAFSM), à la fois en tant qu’enseignement autonome (items 8, 136 à 140), et à la fois intégré dans des questions plus « cliniques », notamment en cas de pathologie à évolution défavorable. Le texte précise que le futur médecin est responsable aux plans éthique et déontologique : « l’étudiant a une attitude guidée par l’éthique, le code de déontologie et adopte un comportement responsable, approprié, intègre, altruiste visant au bien-être personnel et à la promotion du bien public se préparant ainsi au professionnalisme. » (Annexe : les compétences génériques).
La formation en éthique médicale au sein des facultés françaises a généralement pour objectif de consolider la réflexion éthique et de fournir des outils permettant d’apporter des solutions aux dilemmes qui peuvent se poser dans certaines situations complexes. Mais au-delà du cadre légal de l’intervention du praticien, l’éthique « du quotidien » se traduit par des attitudes, des comportements adaptés comme l’affirme le texte… Or un comportement adapté, une communication appropriée, une empathie sincère, peuvent-ils faire l’objet d’un apprentissage spécifique en formation initiale ?
Le sujet de ma recherche est la formation des futurs médecins en éthique en santé.
Membre du département d’éthique de la faculté de médecine de Nice et chargé d’enseignement au sein du centre de simulation de cette faculté, j’ai décidé d’entreprendre une recherche doctorale pour approfondir l’analyse de notre action de formation.
La simulation en santé est une méthode pédagogique active qui s’adresse à tous les professionnels de santé. Elle correspond « à l’utilisation d’un matériel (mannequin, simulateur procédural, etc.), de la réalité virtuelle ou d’un patient dit « standardisé » pour reproduire des situations ou des environnements de soins, pour enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et permettre de répéter des processus, des situations cliniques ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels. »
Ma problématique envisage la place et la pertinence de la simulation en santé dans le domaine de l’éthique.
Cette recherche aura pour objectifs de :
– Décrire l’importance de l’éthique médicale;
– Passer en revue les méthodes utilisées dans le monde pour enseigner l’éthique médicale;
– Analyser l’utilisation d’une méthode, celle de la simulation en santé;
– Effectuer une évaluation approfondie d’un programme d’études utilisant la simulation
Mon hypothèse générale est que cet outil améliore significativement les performances des étudiants de Médecine dans ces compétences non techniques.

POSITIONNEMENT DE LA RECHERCHE ET QUESTIONNEMENTS

Le référentiel de compétences

La première difficulté réside dans le référentiel de compétences que l’on souhaite apporter à ces étudiants.
Premièrement faut-il parler d’éthique médicale, ce qui serait très logique concernant la formation de futurs médecins, ou parler d’éthique en santé, si l’on considère cette œuvre de réflexion comme collective, touchant à la fois les médecins, les soignants et même les patients ?
Deuxièmement quelle définition de l’éthique apporter ? Bien souvent dans les études de médecine l’éthique en santé se résume à des questions de bioéthique (début de la vie, fin de vie, greffe…). Or l’éthique en santé se résout-elle dans la jurisprudence et les limites légales de l’acte médical ? Qu’est-ce que respecter la dignité du patient ? Comment penser le dilemme entre une juste information au patient, le respect de sa liberté et la conviction du médecin sur la thérapeutique la plus adaptée, sans parler des contraintes financières et sociétales qui pèsent sur ce choix ?
L’écoute et l’empathie sont au cœur de l’éthique en santé. Mais ces compétences relationnelles peuvent-elles faire vraiment l’objet d’un apprentissage, au risque de figer dans des théories une praxis ? Par ailleurs le compagnonnage par les médecins seniors, des internes et des étudiants en médecine au cours des stages n’est-il pas suffisant ?
L’éthique en santé s’intéresse aussi au travail collectif entre professionnels de santé, au respect des individus, au juste exercice de l’autorité, à la résolution saine des conflits… Là encore, le travail en équipe est-il vraiment du domaine de l’éthique en santé ? En quoi peut-il faire l’objet d’un apprentissage spécifique au sein des facultés de médecine dans le cadre de la formation en éthique ?
La question posée est donc d’abord d’ordre épistémologique. Il s’agit d’interroger les postulats et les méthodes de l’éthique médicale, afin d’en déterminer l’origine logique, la valeur et la portée scientifique et philosophique.

Hypothèses de travail :
La première est que la quasi absence de travail de la relation au patient dans les études médicales est le produit de mécanismes de défense individuels et collectifs face à l’angoisse suscitée par la mise en présence de l’Autre, de son intimité, de sa maladie, de sa mort.
La deuxième est qu’il se réalise au sein des facultés de médecine un « curriculum caché », un enseignement opaque, se transmettant par imitation des seniors par les étudiants, créant ainsi une culture où le soin (cure) relève du médical mais non plus le prendre soin (care), tâche au mieux déléguée à des paramédicaux.
La troisième est que les médecins qui ont une relation adaptée à leurs patients ont été marqués par une expérience professionnelle ou une expérience de vie qui leur a fait prendre conscience de la dimension relationnelle et empathique de leur métier.

La simulation en santé

La simulation en santé est une méthode pédagogique active dont le but est de recréer des gestes techniques et des situations professionnelles des soignants dans un environnement réaliste.
Se pose ici la question du « réalisme » : comment le définir ? Qu’est ce qui dans le dispositif joue dans le sens de ce réalisme ou au contraire lui fait obstacle ?
A travers des jeux de rôle les futurs professionnels se familiarisent aux situations auxquelles ils vont être confrontés ou sont déjà confrontés sur leur lieu de stage. Des objectifs pédagogiques clairs et précis sont établis et travaillés en amont par les formateurs.
Mais fondamentalement est-ce possible d’enseigner l’éthique à travers des jeux de rôle qui ne sont pas la « vraie vie » ? Quelle est la tension qui existe entre cette immersion fictionnelle et l’apprentissage réel ? Pourquoi les participants à certains moments « font semblant » devant leurs collègues et à d’autres moments « se prennent au jeu» ?
S’il y a apprentissage, comment se déconstruisent des habitus professionnels pour que d’autres s’élaborent ? La simulation allie des tâches dites « techniques » (soins, élaboration d’un diagnostic médical à partir de signe cliniques, etc…) et des interactions relationnelles. Quelle place donner aux routines, dans certains cas facilitatrices de la réalisation des tâches, dans d’autres cas s’apparentant à des attitudes professionnelles mécaniques ? Plus fondamentalement comment se noue un jeu didactique entre les participants et les formateurs ? Qu’est-ce que les formateurs veulent enseigner et qu’est ce qui est appris par les participants ?

Psychologue au sein des Urgences du CHU de Nice et chargé d’enseignement à la Faculté de Médecine, j’utilise la simulation dans le cadre de la formation des étudiants en santé et des professionnels du CHU. Ma Recherche- Action veut donc se centrer sur les étudiants en Médecine dans le cadre des séances de simulation que j’anime, organisées à la Faculté de Médecine de Nice sous l’égide du Département d’Ethique et de Sciences Humaines.

Dans certains cas les scénarios sont écrits par les élèves eux-mêmes à partir de leurs expériences vécues. Je privilégie ce dispositif quand le nombre de participants et le temps imparti le permet car il me semble que la mise en commun en petit groupe de ces expériences, et l’écriture des scénarios permettent un échange et une élaboration collective. Dans ces séances de simulation les jeux de rôle sont habituellement filmés afin de permettre aux acteurs de réaliser une auto confrontation avec leur jeu. Ce temps de débriefing conduit par l’animateur et un expert (médecin spécialiste entre autre) implique aussi les observateurs, des étudiants n’ayant pas joué la scène ou des patients ressources, appelés aussi patients experts. Au terme de la séance, une synthèse finale permet à chacun de dire ce qu’il retient de la formation et de compléter l’enseignement par les formateurs.

De multiples questions émergent de ce dispositif.
Lorsque les scénarios sont écrits par avance par des professeurs de médecine, quels sont les objectifs des rédacteurs ?
Dans les cas où les scénarios sont écrits par les étudiants en médecine on peut s’interroger sur les effets de ce temps de parole libre pour les participants et sur les critères qui conduisent au choix de telle histoire pour produire le scénario du groupe.

La première partie du débriefing insiste sur les émotions éprouvées par les acteurs. Or souvent les professionnels de santé cherchent à tenir leurs propres émotions à distance. Est-il si pertinent de prendre conscience de ses émotions dans l’exercice d’un métier de santé ? N’y a-t-il pas des risques pour soi et pour le patient à les faire apparaître dans le soin et la prise en charge ?

Dans les jeux de rôle des acteurs doivent endosser un profil de personnalité qui n’est pas le leur (acariâtre, quérulent, bonhomme, hystérique etc…), d’autres ne sont pas mis au courant du déroulement du scénario … Dans certains cas les professionnels de santé jouent le rôle du patient, ou bien encore un soignant joue le rôle d’un médecin ou l’inverse…
Pour un des acteurs, ne pas connaître le scénario favorise-t-il l’authenticité et l’improvisation ? Quels sont les bénéfices à ne pas jouer son propre rôle professionnel ? Quels sont les effets d’apprentissage pour ceux qui doivent jouer une personnalité qui ne leur corresponde pas?
N’y a –t-il pas une injonction paradoxale à demander aux participants d’être «authentiques», de réagir comme dans la « Vraie Vie» et de produire par ailleurs un comportement qui va faire l’objet de remarques et de critiques, donc « normé » par le groupe, par les formateurs ?

Comme on l’a déjà signalé, la simulation mêle compétences « techniques » et « non techniques », autrement dit relationnelles. Lorsque les acteurs entrent en relation dans le jeu de rôle, ne font-ils pas que « mimer la relation » ? Ou bien s’il est possible de se « prendre au jeu », quels sont les ressorts pour le participant de son engagement dans le scénario, de son immersion dans cette néo-réalité, de l’authenticité de ses attitudes ? Est –il éthique d’apprendre aux étudiants à faire semblant, faire semblant d’être empathique par exemple, sans pour autant qu’ils éprouvent un authentique souci pour le patient ?
Les profils de personnalité des étudiants sont différents. Si certains ont une approche du patient suffisamment adaptée, d’autres sont en difficulté et certains peu nombreux semblent indifférents, voire toxiques. Quels sont les effets de la simulation sur les uns et les autres ?

Il faut aussi interroger la place des formateurs eux-mêmes.
L’animateur endosse tour à tour et en même temps les rôles de formateur, metteur en scène, professionnel de santé avec son statut propre (médecin, psychologue ou autre…), collègue de travail… Quels sont les effets sur le groupe, sur l’apprentissage des participants du statut des formateurs ?
Dans les temps de débriefing, l’animateur est là avant tout pour susciter la parole, pour poser des questions sur les processus de pensée, sur les émotions mobilisées qui ont conduit les acteurs à interagir ainsi. Il ne s’agit pas de juger de bons ou de mauvais comportements mais d’interroger le cheminement de l’acte, acte pétri de volonté de bien faire, de stress lié à la présence d’observateurs, de réactivation d’éléments refoulés et inconscients parfois…
Quel est l’effet de la simulation sur les individus mis en difficulté dans leur jeu de rôle ? Le principe de non jugement et de non punition de l’erreur mis en avant dans la simulation est-il en fin de compte si réel ? Face à un participant inadapté dans ses réactions quel est l’effet de groupe à l’issue de la séance ?

Hypothèses de travail :
La première est que les étudiants prenant conscience du retentissement émotionnel qui les habite quand ils entrent en relation avec le patient, sont plus aptes à percevoir les émotions du patient et améliorent de ce fait la qualité de l’alliance thérapeutique avec lui.
La deuxième est que le temps de débriefing est un apprentissage efficace pour initier aux dimensions réflexive et collégiale, et laisser de côté les rapports hiérarchiques, en favorisant la prise de parole au sein des unités de soin.
La troisième est que l’écriture des scénarios favorise l’analyse de la pratique professionnelle, permettant même des mouvements cathartiques chez les sujets.
CHAMPS THEORIQUES
Divers champs de connaissances sont propres à éclairer ces questionnements et ces hypothèses.
Tout d’abord celui de la sociologie. La sociologie des professions peut éclairer le rôle sociologique du médecin. Il s’agit d’analyser chez les étudiants en médecine la construction de leur autonomie et de leur légitimité, leurs pratiques, leur rôle dans les organisations. Les recherches sur la clinique de l’activité mettent en évidence le rôle du groupe, les défenses de groupe, le sentiment d’appartenance, les conditions de la coopération, divers éléments qui peuvent permettre d’analyser la constitution d’un « corps médical ». En faisant appel à la sociologie critique on peut aussi analyser la figure du médecin dans l’imaginaire social, qui par le fantasme de la légitimité scientifique dont il est revêtu, occupe une position dominante sur tout ce corps social. Enfin E. Goffman pour sa part, a développé la Métaphore théâtrale et mis en avant le concept de présentation de soi, envisagent la vie sociale comme une « scène » avec ses acteurs, son public et ses « coulisses ». L’apprentissage par la simulation doit pouvoir trouver là des concepts opérants.
Le champ de la philosophie morale. Il faut aborder la question du contenu de l’éthique en santé dont nous avons déjà parlé. Le débat est immense car il rejoint celui du statut de l’éthique au sein de nos sociétés et de l’opposition qui a émergée au cours de l’histoire entre l’éthique et la morale. L’éthique en santé est dominée par la classification commode de Childress et Beauchamp (Autonomie, Bienveillance, Non maltraitance, Equité). Leur ouvrage ouvre aussi de façon intéressante le champ de l’éthique des vertus, remise à l’honneur par Aldasair MacIntyre qui fournit des outils d’interprétation et d’analyse utiles à notre travail. Par ailleurs les travaux d’Avishai Margalit et d’Axel Honneth peuvent éclairer la question contemporaine de la reconnaissance, reconnaissance du patient articulée à la reconnaissance du soignant.
Le champ de la didactique. Il nous faut tenter de décrypter les mécanismes complexes de l’apprentissage. Le concept de transposition est particulièrement éclairant. En effet le savoir savant est un savoir décontextualisé et souvent coupé de son histoire. Il fait l’objet d’une transposition (recontextualisation, reproblématisation, voire redéfinitions) pour être enseigné à un niveau donné. Or en éthique le savoir est tout particulièrement associé à des savoir-faire et même des savoirs-être. La simulation n’est pas exempte de ce processus de transposition mais cherche en partie à en gommer les écueils d’abstraction et de généralisation, très éloignés d’une science pratique telle que l’éthique. La didactique professionnelle est aujourd’hui un champ en soi qui s’appuyant sur l’ergonomie cognitive pour analyser le travail, s’intéresse au développement des compétences du sujet, central dans la formation des étudiants en médecine. Les élaborations théoriques du modèle socioconstructiviste sont très pertinentes dans notre démarche enfin car dans la simulation la part active du sujet est majeure. Ses représentations, ses conceptions initiales ne sont pas seulement le point de départ et le résultat de l’activité d’apprentissage, elles sont au cœur de ce processus.
Dans ce travail à la confluence de la pédagogie et de l’éthique, le concept d’apprentissage par compétence intégrée développé par Jean Jouquan pourrait être mis en dialogue avec ceux de « pratique », « bien interne » et « vertu » chez MacIntyre. L’enjeu de cette recherche est plus de penser des référentiels de compétences intégrant la façon de penser les pratiques professionnelles éthiquement acceptables, plutôt que de considérer immédiatement des « référentiels de compétence en éthique ».
Dans le champ de la psychologie les domaines de recherche sont multiples. Ce type de formation relève au sein des facultés de médecine en partie de la psychologie médicale. Les ouvrages du psychiatre et psychanalyste Lucien Israël et la théorisation des groupes de parole entre médecins menée par Michael Balint sont à même de situer les enjeux psychiques que soulève l’exercice professionnel médical. L’outil de la simulation lui, interroge les sciences cognitives. Les théories socio-cognitives mettent en avant l’apprentissage par imitation : l’élève répète par imitation, il observe et analyse les étapes de la réalisation d’une action par quelqu’un de semblable avant de le copier, de faire soi-même la même chose. Ce processus est à l’œuvre dans le compagnonnage, étape importante de la transmission de l’art médical, tout spécialement au sein des facultés de médecine et des services hospitaliers en France.
La théorie de l’intelligence émotionnelle peut apporter aussi un éclairage. L’intelligence émotionnelle désigne « l’habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre et à raisonner avec les émotions, ainsi qu’à réguler les émotions chez soi et chez les autres » (Mayer &Salovey, 1997). Le développement de l’empathie chez les étudiants, les freins et les résistances observés dans les jeux de rôle dans ce lâcher prise face au patient, tous ces mouvements psychiques pourront certainement être éclairés par cet outil théorique. Cette question de l’empathie, à distinguer de la sympathie et de la compassion est un concept clef dans l’actualité des recherches au carrefour entre cognitivo-comportementalisme, biologie et psychanalyse.
Du côté de la psychanalyse, il faut faire une place toute particulière à la psychanalyse de groupe. Ses apports permettent d’éclairer les effets transférentiels et contre-transférentiels dans le positionnement éthique du médecin et de l’équipe. Je souhaite reprendre les travaux de Serge Lebovici sur le Psychodrame analytique individuel, ainsi que les analyses d’Ophélia Avron sur le jeu scénique. La notion de catharsis est à l’œuvre comme nous l’avons déjà évoqué dans les processus d’écriture et de jeu. Des mouvements psychiques puissants (colère, régression, angoisse…), des éléments inconscients peuvent émerger dans les séances de simulation. Il s’agit de les contenir de façon souple, mais de ne pas faire non plus de ces temps des psychothérapies de groupe. Cet affleurement qui marque la levée des défenses est le gage d’une vraie transformation interne des sujets et des groupes.
Enfin la simulation en santé est l’objet d’un nombre grandissant de publication dans le domaine des sciences médicales.
METHODOLOGIE
Le développement de ma thèse se déroule en trois phases :
Contextualisation :
Je vais décrire l’importance de l’éthique médicale et passer en revue les méthodes utilisées dans le monde pour l’enseigner. Pour établir ce référentiel de compétences je reprendrai les textes de référence du contenu des études médicales et je ferai une revue de la littérature internationale sur ce domaine. En particulier je souhaite analyser l’utilisation actuelle au sein des facultés et des hôpitaux de la méthode de la simulation en santé.
J’interrogerai aussi des professeurs de médecine, des médecins en exercice, des étudiants en médecine. Je leur demanderai quelle est leur définition de l’éthique en santé, leur formation dans ce domaine, leurs expériences, leurs attentes…
Étude pratique :
Il s’agit d’évaluer de façon approfondie un programme d’études utilisant la simulation.
Je souhaite comparer les compétences « non techniques » des étudiants avant et après les séances de simulation à l’aide d’un questionnaire sur l’empathie et un autre sur la communication au sein du travail d’équipe, avec dans l’idéal un groupe témoin.
Par ailleurs vu que les séances sont filmées, je proposerai aux étudiants et aux formateurs une auto confrontation avec leur jeu de rôle et j’analyserai leurs réflexions sur un échantillon suffisamment représentatif.
Evaluation
Pour l’évaluation de cette méthodologie d’apprentissage de l’éthique je ferai appel à des experts, membres du département d’éthique de la faculté de médecine et du comité d’éthique du CHU (Espace Ethique Azuréen) pour les confronter aux séances de débriefing enregistrées et recueillir leurs réactions et leurs remarques.
Il s’agira aussi de déterminer des critères de généralisation de cette méthode d’apprentissage de l’éthique en milieux d’études de la santé : instituts de soins infirmiers, écoles de cadre de santé, école de sages-femmes, écoles d’aides-soignants etc…

Ce choix méthodologique d’interroger les divers acteurs présente la limite de travailler sur du déclaratif, avec toutes les distorsions et les défenses afférentes, comme l’ont montré diverses études de sciences sociales (cf. C. Rousseau). Quant à la confrontation aux images, des groupes de recherche en clinique du travail ont proposé des guides méthodologiques.
DEROULEMENT OPERATIONNEL
Pour déterminer un plan de travail suffisamment structuré, il est indispensable d’envisager, sur les trois ans de recherche le déroulement opérationnel.
Schématiquement, voilà la proposition d’organisation du travail.

Pendant la première année de thèse, j’ai relevé six objectifs opérationnels à concrétiser:
A. Mise en place d’une activité de recherche commune avec les enseignants-chercheurs sur Nice et d’autres universités dans ce domaine ; Rédaction et formalisation d’un plan de thèse ;
B. Développement et rédaction de la première partie de la thèse et notamment la recherche documentaire ;
C. Accroissement des connaissances, des techniques, des modèles d’investigation et des instruments méthodologiques à utiliser, notamment sur l’analyse des discours appliqués aux premiers entretiens.
D. Passation des entretiens avec les professeurs, les médecins, les étudiants en médecine.
D. Vérification et renforcement des hypothèses relatives à la deuxième partie de la thèse et choix définitif des outils expérimentaux.
E. Élaboration d’un document en fin d’année universitaire, en présentant de façon la plus détaillée et la plus précise possible les hypothèses, les sources et les méthodes de la recherche expérimentale.

Pour la deuxième année, les objectifs à moyen terme seront :
A. Collaboration, mutualisation des ressources et renforcement des liens avec les partenaires universitaires (Faculté de Médecine, Laboratoires de Recherche en Sciences Humaines de l’Université de Nice, Service des Urgences, IFSI de Nice, IFCS) ;
B. Développement et rédaction de la deuxième partie de la thèse ; vérification et analyse des hypothèses sur lesquelles la recherche expérimentale est fondée ; Analyse préliminaire et partielle des résultats.
C. Élaboration d’un document en fin d’année universitaire, présentant la planification de la troisième partie de la Thèse notamment les modalités d’évaluation et de généralisation.

Enfin, pour la troisième année, les objectifs opérationnels à terme seront :
A. Evaluation de la recherche ; Analyse et discussion des résultats ;
B. Développement et de la troisième partie de la Thèse. Finalisation rédaction définitive de la recherche;
C. Soutenance de fin de cycle d’études.
OBJECTIF A TERME ET ORIENTATION DU TRAVAIL
Je souhaite donc interroger l’idée selon laquelle la re-contextualisation des situations professionnelles vécues favoriserait l’apprentissage des questionnements éthiques. Dans le cas où cette hypothèse est vérifiée je souhaite mettre en évidence ce qui favorise une progression de ces approches.
Outre la formation initiale, des données utiles peuvent ressortir dans le domaine de la formation continue des professionnels de santé. Sans mettre de côté les formations institutionnelles qui sont dispensées au sein des structures de soins, la mise en place de plan de formations intégrant de façon systématique cet outil pédagogique pourrait être un levier d’amélioration du travail en équipe, de la prévention des risques psychosociaux, de la qualité de vie au travail, mais aussi d’une plus grande satisfaction des patients, souvent plus sensibles au premier abord à la qualité de l’accueil et de la relation qu’à la pertinence d’un diagnostic ou d’un traitement.
D’autre part une démarche de recherche scientifique dans ce domaine de la communication, du développement des capacités relationnelles, plus généralement du savoir-être, peut en partie s’appliquer à d’autres champs, dans d’autres métiers, où le service à la personne, la « relation client », la satisfaction des usagers sont au cœur du processus de travail. Les outils méthodologiques d’analyse de l’activité d’apprentissage, les écueils et les limites d’un dispositif de simulation, tout particulièrement dans ce domaine de l’éthique, pourront trouver je l’espère d’autres applications.
PROJET D’ORIENTATION
Ce doctorat de recherche représente pour moi la synthèse d’un double parcours humain, professionnel et universitaire : psychologue, formateur au sein du CHU et de la faculté de médecine et des instituts de formation pour les cadres et les infirmiers. À l’heure actuelle, après quatre ans dans le suivi des patients au sein des Urgences et la formation des professionnels de santé, je ressens la nécessité de partager, d’apprendre et de me confronter à des savoirs complémentaires. Le travail poursuivi me permettra d’évoluer, de renforcer et d’accroître mes compétences professionnelles et les faire valider par un diplôme de haut niveau.

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