Management et leadership

Les termes sont multiples pour désigner celui qui est responsable : chef, patron, gestionnaire, manager, leader… Responsable cela veut dire qu’il aura à « répondre » de l’échec ou du succès de la mission, des résultats etc… Cette tête qui se définit aussi indissociablement par rapport aux membres du corps possède, nous allons voir dans quelle mesure, l’autorité, le pouvoir, l’expertise, le charisme etc…
On trouve de multiples définitions de ces différents termes. En fait ils renvoient à des concepts qui sont souvent suffisamment clairs chez les différents auteurs mais que chacun exprime avec l’un ou l’autre de ces termes en fonction de l’étymologie, de la pensée dominante du moment etc…
Nous allons proposer notre essai de relier ensemble ces termes et les concepts qu’ils expriment dans un but de formation pour les personnels hospitaliers dans le cadre du projet PACTE.
1. LAUDATIF OU PEJORATIF
Ce qui frappe dans l’utilisation courante ou professionnelle de ces termes c’est que suivant les contextes ils peuvent revêtir des significations très différentes.
Prenons le terme de patron.
Un patron en France dans les années 50 dans un service de médecine renvoie à la figure du mandarin, placé sur un piédestal par certains de ses élèves qui le désigneront leur vie entière comme leur maître et qui n’auront de cesse de l’imiter, respecté certes mais craint pour son autoritarisme et son peu d’empathie. Il en est de même pour un certain nombre de chefs militaires, ce terme de chef étant préféré dans l’armée française.
Un patron dans le discours d’un syndicaliste de la CGT formé à la dialectique marxiste, au moins au court du XX e siècle, c’est un tyran qu’il faut déboulonner de son piédestal de privilèges. De fait le terme de manager a fait son apparition pour gommer cette relation quasi infantile entre cette figure du père idéal du patron paternaliste et de ses enfants tout dévoués.
Le terme de manager par son origine américaine, recèle de l’aura de jeunesse et d’efficacité propre au Nouveau Monde dans l’imaginaire collectif. Mais les limites du modèle se sont vites faites sentir, modèle où, caricaturalement, les résultats sonnants et trébuchants dans la poche de l’actionnaire, quel qu’en coûte les pertes humaines, semblent être le seul objectif .
En revanche « le petit patron » renvoie une image plus positive (poujadiste cependant pour certains), celle par exemple d’un artisan et de son apprenti qui travaillent dur. Mais cet adjectif « petit » n’est pas pour autant gage de sympathie, le « petit chef » étant immanquablement un sombre crétin d’autant plus imbu de son pouvoir qu’il est limité.
Tous ces exemples pour se rendre compte qu’en abordant ces thèmes nous sommes chacun plongés dans des systèmes de projections, d’apriori éducatifs, de biais culturels et que de parler de ces thèmes c’est parler de soi, car à quelques rares exceptions près nous sommes tous soit des chefs soit des subordonnés, bien qu’en France on en trouve peu de la seconde catégorie…
2. LE MANAGEMENT
Précisons d’abord les termes.
Le terme « management » désigne plutôt les pratiques et les savoir-faire associés à l’organisation du travail collectif et aux relations humaines, avec une dimension surtout qualitative : management stratégique, management de projet, management participatif, etc.
Le terme « gestion » désigne plutôt les techniques de conduite des affaires en général, avec une dimension surtout quantitative : gestion comptable, gestion de patrimoine, contrôle de gestion, etc.
Quelles sont les qualités du manager ?
Tout d’abord le manager doit être légitime dans sa fonction.
Max Weber a défini classiquement les trois formes de légitimité qui assoient la position du chef : la légitimité traditionnelle, issue de la lignée et de l’histoire qui assure à une société la stabilité, la légitimité légale et rationnelle, celle qui institue ou désigne comme responsable celui qui a les compétences requises , la légitimité charismatique enfin, à laquelle s’apparente le leadership .
Le manager posséde la légitimité rationnelle, celle acquise par les études ou la promotion interne au mérite, celle de l’expérience reconnue et appréciée. Il n’est pas expert dans tous les domaines mais il a son champ d’expertise (technique, financier…)
Son rôle d’organisation consiste en trois points : penser, faire faire et vérifier.
Penser c’est-à-dire concevoir la stratégie pour atteindre l’objectif.
Faire faire c’est-à-dire conduire ce processus. Pour cela il a le pouvoir de recruter ses collaborateurs.
Vérifier, c’est à dire contrôler la mise en œuvre par chacun de la tâche qui lui incombe . Et par là même récompenser ou sanctionner chacun des membres de son équipe.
Habituellement, le manager s’est formé au cours du temps en dirigeant au début de sa carrière de petites équipes (la section pour un lieutenant dans l’armée, un groupe d’ouvriers pour de jeunes ingénieurs). Cette expérience du terrain est irremplaçable et signera la marque du bon manager au cours de toute son existence : il se déplace pour aller à la rencontre de ses collaborateurs, subordonnés, administrés etc… pour les écouter directement.
Il revient à toute personne située en position de responsabilité, de commandement de décider pour le groupe. Les décisions stratégiques d’un grand chef d’entreprise par exemple conditionnent la vie de milliers de salariés, de leur famille. On parle volontiers de la solitude du chef. Si le chef décide seul, le vrai chef n’est pas seul à prendre sa décision dit le général de Saint Chamas, commandant de la Légion Etrangère qui cite Joffre « Je ne sais pas qui a gagné la bataille de la Marne mais si elle avait été perdue, c’aurait été par moi. »
Le manager est au cœur des relations humaines au sein d’un groupe de travail. De lui dépend particulièrement la régulation des pulsions comme l’agressivité, les appétits de pouvoir… Il doit veiller à ce que les conflits, inhérents à tout groupe d’espèce vivante, ne prennent pas une tournure violente ce qui serait délétère . Cette place capitale essentielle au groupe et ce dans tout le règne animal, cette capacité à « gérer » les conflits est un marqueur décisif entre les bons et les mauvais chefs. L’entre deux n’existe pas aux yeux des subordonnés.

2. LE LEADERSHIP

« Leadership » vient de l’anglais leader, le chef d’un parti politique désigné par ses pairs en Grande-Bretagne.
De façon fondamentale le terme leadership désigne l’influence d’un individu sur un groupe en tant qu’il exerce une relation de pouvoir , le pouvoir de diriger les autres à un moment donné ou dans des circonstances précises.
Le leader est donc un meneur, capable de contribuer à l’efficacité et au succès d’un système ou bien doté d’un réel pouvoir de nuisance et de blocage.
Le leader tire sa légitimité du groupe au cours d’un processus d’émergence.
Un des membres du groupe exprime ce que les autres ressentent, il se fait le porte-voix de trous ou presque. C’est l’exemple d’un salarié dont le père était responsable syndical et qui harangue ses collègues de travail dans une situation de crise, un dépôt de bilan par exemple, leur rappelant tous les efforts qu’ils ont consentis pour l’entreprise.
Il donne des clés d’interprétation de la réalité, offrant une vision cohérente et assez simple, permettant aux autres, indécis ou plongés dans des sentiments contradictoires, d’y voir clair. Les membres du groupe lui font confiance. Pour suivre l’exemple de cette entreprise, la formation de ce salarié au sein d’un mouvement de jeunesse lui a permis d’avoir une dialectique efficace sur la lutte des classes.
Le voyant à l’œuvre, car c’est aussi le propre du leader de passer des paroles aux actes, ils le suivent . Cela veut dire que les autres membres lui délèguent leur pouvoir de décision, leur liberté en fin de compte. Il s’impose alors comme le chef.
Le leader est toujours animé par la question du sens de l’action collective et il témoigne d’une grande cohérence entre les idées qu’il exprime et son agir, ce qui le rend exemplaire . Il apparaît être au service des autres, et il semble éprouver pour tous de l’empathie .
Le leader possède par là même cette force d’irradiation, qu’on nomme le charisme et qui pour être réel s’impose dans la durée. Il est passionné par sa tâche, fait partager son rêve et aimante les autres à sa suite qui vont se dépasser, réalisant ce qu’ils n’auraient jamais cru atteindre. Autour de lui se fait la cohésion du groupe.

On peut donc apporter une distinction importante entre le management et le leadership. Le management est d’essence institutionnelle, le leadership est un processus de désignation au sein du groupe. Deux questions importantes se posent alors en management :
Comment faire pour un manager face à des leaders au sein de son organisation de travail ?
Est-il possible de devenir leader pour un manager ?

Mais avant toute chose il convient d’établir que le leadership est nécessaire à tout bon management.

Les bons managers seraient systématiquement des leaders.
Certains opposent tout autre mode de responsabilité (patron, gestionnaire, manager…) au management du leader. Autant la plupart des membres d’une équipe suivent le leader qui agit sur le groupe par une force d’entraînement, autant dans l’autre modèle le responsable ne dispose que d’un pouvoir formel du à sa position hiérarchique, et son autorité ne tient qu’au poids de l’institution .

Le consultant Scott Williams établit un tableau très symptomatique de ces deux positions.
L’essence du leader est de promouvoir le changement, au contraire de maintenir pour l’autre modèle la stabilité à tout prix . Le leader brise les règles qui freinent le dynamisme, l’initiative, le risque . Le contraire d’une administration qui multiplie les contraintes et la paperasse.
Le leader donne précisément le sens, la direction mais laisse libre chacun d’y parvenir, favorisant ainsi l’initiative, la réflexion, la débrouillardise, la créativité… L’autre s’enferre dans les détails qu’il planifie à l’envie.
Le leader communique au sein de son équipe et donc utilise le conflit pour améliorer le système, tout le contraire du manager qui évite de régler les problèmes humains et laisse s’installer le mécontentement ou agit de façon brutale et casse la dynamique du groupe . Le leader facilite la décision au sein du groupe, elle émerge d’un processus collégial où chacun peut s’exprimer à l’inverse de celui qui prend ses décisions seul, sans tenir compte de l’avis de ses subordonnés .

On l’a dit, ce sont les circonstances, les évènements qui révèlent le leader. Et c’est dans l’adversité qu’on reconnaît le chef. Il possède le courage qui n’est autre que la vertu de force, celle qui révèle la solidité de la résolution face au risque, la qualité de la conviction intérieure face à l’inconnu. Cette solidité qui le fait demeurer seul dans la tempête, capable de résister, est ce qui force l’admiration et entraîne à sa suite.
Ce qui va révéler un bon manager et qui lui est nécessaire pour être un leader est sa capacité de jugement. Denis Cristol, auteur de Leadership et Management, consultant et chargé de mission au sein de la fonction publique territoriale, le désigne comme un praticien réflexif, c’est-à-dire qu’il est capable d’analyser son environnement, les réactions de ses collaborateurs et de réadapter sa stratégie . Cette capacité de jugement est caractéristique de la vertu classique de prudence définie comme cette capacité à discerner en toute circonstance ce qui est nécessaire pour atteindre le résultat et mettre en œuvre les moyens pour ce faire . L’adage militaire rappelle que « le premier mort à la guerre c’est le plan » et Foch disait « La guerre : on fait ce qu’on peut pour appliquer ce qu’on sait. »
Cette réactivité, cette intelligence du terrain, cette remise en cause de ses certitudes à l’épreuve des faits qui rend capable de percevoir les nuances, tout cela est une intelligence pratique, une capacité d’adaptation qu’il est difficile à acquérir si on ne l’a pas au sortir de l’adolescence. Il faut pour cela à la fois une forte capacité de traitement de l’information, une ingéniosité et aussi une certaine connaissance psychologique qui rend capable d’apprécier son environnement humain, l’esprit de finesse que Pascal distinguait de l’esprit de géométrie .
Certains leaders enfin savent déléguer, distribuer le pouvoir.
C’est là un point très délicat semble-t-il et qui distingue les leaders positifs des leaders négatifs. Car on peut relire toutes les caractères du leader et s’apercevoir qu’ils s’appliquent à des individus très différents, de Gandhi ou Mandela à Napoléon, De Gaulle, de Kennedy ou Martin Luther King à Lénine, Trotski…
Au-delà de la valeur morale des convictions du leader, c’est l’exercice du pouvoir qui va révéler sa motivation profonde. Le mot autorité vient du latin « augere » qui signifie augmenter. De cette étymologie certains tirent que c’est la caractéristique essentielle du leader positif que de permettre chez ceux sur qui il exerce son autorité le développement de ce qu’il y a de proprement humain : le sens de la responsabilité, la liberté, la créativité. Et ceux-ci ont le droit et même le devoir de lui faire part de leurs critiques .
Au contraire celui qui grisé par le pouvoir, se convainc se sa toute puissance et agit de plus en plus avec autoritarisme . Certains le suivront jusqu’au fanatisme, abdiquant leur raison, leur conscience, leur honneur. Les autres seront rejetés, considérés comme des traitres.
Etre capable de reconnaître ses erreurs est le critère fondamental qui permet l’apprentissage et donc l’amélioration. C’est évidemment la voie la plus sûre pour éviter de s’enfermer dans une vision erronée et de courir à la catastrophe. Le chef démontre par là au plus haut point cette capacité de jugement propre à la vertu de prudence. Etre donc en mesure d’entendre les critiques qui lui sont formulées et les utiliser pour être plus performant est l’atout majeur du leader positif .
En somme c’est l’humilité qui est la marque des meilleurs.

3. QUE FAIRE POUR DEVENIR LEADER? LES COMPORTEMENTS VERTUEUX DU MANAGER
Le débat existe entre ceux qui pensent qu’on ne fera jamais d’un manager quelconque un leader et ceux qui au contraire pensent que tout n’est ne dépend pas d’une « âme bien née » .
En fait il s’agit non pas de faire mais d’être. Non pas d’acquérir des techniques managériales mais d’habiter sa fonction :
– en approfondissant ses motivations,
– en prenant la mesure de son profil de personnalité et de ses limites (quitte à faire un travail sur soi),
– en mettant en place de bonnes pratiques au sein de son collectif de travail.

A la lumière de ce que nous avons dit celles-ci sont peu nombreuses, simples mais ô combien difficiles à développer au sein d’un service, d’une entreprise. Elles s’opposent en effet au management médiocre et stérile qui permet au mauvais chef de jouir de son inefficacité en reportant la faute sur ses équipes ou sur la conjoncture, et aux subordonnés de continuer à se plaindre sans avoir à s’impliquer.
C’est ainsi en particulier qu’en mettant en place ces bonnes pratiques le manager utilisera les leaders au sein de son organisation.

1- Recueillir régulièrement l’avis de ses collaborateurs jusque dans certains cas mettre en place « une hiérarchie restreinte impliquée » désignant le transfert du pouvoir de décision vers des acteurs sans position hiérarchique mais détenteurs du savoir, et en prise directe avec les opérations.
Il s’agit d’effacer volontairement toute marque de hiérarchie (c’est le modèle des réunions au sein des sous-marins) pour favoriser au maximum la collégialité.
2- Susciter systématiquement la présence d’un avocat du diable dans les prises de décision en groupe pour éviter le risque de focalisation.
3- Informer
Comme l’affirmait un capitaine « la télépathie j’ai essayé, ça ne marche pas ». Une fois la décision prise, des objectifs, des consignes, des ordres simples, sobres, clairs donne littéralement une lumière aux équipes pour éclairer leur agir au quotidien, dans le détail.
4- Favoriser l’autonomie
« Le commandement doit exercer un contrôle a minima des forces de manière à ne pas limiter inutilement leur liberté d’action, le subordonné devant finalement décider lui-même des meilleures voies à adopter pour le succès de la mission » C’est la pratique du « Mission Command » enseignée et mise en pratique dans l’armée britannique.
L’ordre est peu détaillé mais son explication (l’objectif à atteindre) est consistante.
5- Ne pas punir les erreurs, afin de favoriser l’apprentissage par l’expérience grâce au retour anonymisé des évènements indésirables.
En conclusion on peut affirmer qu’il n’y a pas à opposer manager et leader.
Il existe de mauvais manager, soit parce qu’ils n’obtiennent pas de résultats soit parce qu’ils maltraitent leurs équipes. Il existe aussi des leaders négatifs qui manipulent ceux qui les entourent à plus ou moins grande échelle.
Les bons managers ont d’abord des qualités d’organisation, ils ont pour objectif de remplir au mieux la mission. Mais aussi ils sont aussi des leaders, capables par leur conviction, leur ténacité d’entraîner leurs troupes. Positivement ils sont à l’écoute de leurs collaborateurs et les impliquent dans le processus de décision, les laissant suffisamment autonomes pour développer leurs solutions propres.

ANNEXES
1. LE DIAGRAMME DE REASON

2. LES FACTEURS DE STRESS AU TRAVAIL

LES STRESSEURS
LES FACTEURS A L’ORIGINE D’UNE BONNE QUALITE DE VIE AU TRAVAIL
Organisation du travail Insécurité
Objectifs irréalisables
Manque d’information suffisante qui rend difficile l’anticipation et perturbe l’organisation
Disproportion entre les objectifs et les moyens (rythme trop soutenu, insuffisance du repos…)
Absence de règlement
Rigidité trop importante des procédures
Lourdeur des tâches administratives
Absence de reconnaissance financière Respect des horaires

Information sur les objectifs et les moyens

Capacité d’autonomie laissé à l’agent ce qui lui permet une participation à la décision

Utilisation des compétences propres
Sens donné au travail

Rapports interindividuels au sein de l’équipe de travail
Ambiguïté sur les fonctions de chacun
Dureté du chef
Manque d’équité
Absence de reconnaissance Conflits violents Distance professionnelle
Coopération entre collègues
Groupes d’analyse de la pratique professionnelle

Tâches Confrontation à la maladie grave, à la douleur aiguë, à la mort.
Routine Variété des tâches
Profil de personnalité Difficulté cognitive à s’adapter
Moi idéal contraignant
Déséquilibre de vie (le sujet néglige les dimensions familiales et individuelles au profit du travail)
Immaturité psychique Bonne estime de soi
Facilité à aller vers les autres, à demander de l’aide
Autonomie affective
Soutien social (famille, amis)
3. LA GRILLE DE MANAGEMENT DE BLAKE & MOUTON

1.1 Style laisser-faire
Le manager est absent, il se désinvestit de ses responsabilités, ne règle pas les conflits, s’en remet au système pour obtenir les résultats (forcément médiocres) au prix de grandes tensions au sein de l’équipe, du service. Des individus, des groupes prennent le pouvoir, au moins en partie, et les meilleurs s’échinent à faire fonctionner le système jusqu’au moment où ils quittent le navire, épuisés.
2. Style leader social
Description :
Attention particulière aux besoins des employés.
Caractéristiques :
Préoccupation élevée pour le facteur humain, mais basse pour la production.
Beaucoup d’attention à la sécurité et au confort des employés en croyant que ceci accroîtra la performance.
Presque incapable d’utiliser son pouvoir punitif et coercitif.
Résultats :
Une atmosphère habituellement amicale mais peu productive .
3. Style autocrate
Description :
Leader autoritaire ou exigeant .
Caractéristiques :
Préoccupation élevée pour la production et basse pour le personnel.
Pression sur les employés par des règles et des punitions pour réaliser les buts de l’entreprise.
Souvent appliqué par des entreprises en position d’échec ou de gestion de crise.
Résultats :
Haute production à court terme
Turnover élevé
4. Style intégrateur
Il correspond aux descriptions faites du manager leader capable d’entraîner ses équipes car il est convaincu du projet qu’il porte, permettant à chacun de donner le meilleur de lui-même.

4. LA THEORIE DES QUATRE SYSTEMES
Cette théorie est répartie en quatre systèmes élémentaires sur un continuum.
Le système 1 se fonde sur l’exploitation et autoritarisme ; le manager adopte un style autocratique ou dictatorial. Ce type de gestionnaire a peu confiance en ses subordonnés et ne leur permet pas de prendre part au processus décisionnel. Il a recours à l’intimidation, à des récompenses et à des punitions pour les amener à faire leur travail. La communication est à sens unique verticale.
Le système 2 allie la bienveillance et l’autoritarisme ; le manager agit ici de manière paternaliste. Ce type de gestionnaire donne des ordres et prend toutes les décisions, mais il permet toutefois à ses subordonnés, dans une certaine mesure, d’exprimer leur opinion au sujet des ordres. Les subordonnés peuvent en outre déterminer eux-mêmes la manière d’exécuter leur travail à condition qu’ils respectent certaines directives et marches à suivre.
Le système 3 repose sur la consultation, le manager faisant confiance à ses subordonnés. Ce gestionnaire établit des objectifs et oriente le travail de membres de son équipe après les avoir consultés. Ceux-ci peuvent exécuter leurs tâches comme ils l’entendent. Le manager les assiste et les encourage à lui soumettre différentes questions. En général, il préfère récompenser que punir.
Le système 4 met l’accent sur la participation, et c’est celui que favorise Rensis Likert, le créateur de cette théorie. Le gestionnaire et ses subordonnés prennent les décisions ensemble, car il règne entre eux une confiance absolue. La communication se fait dans toutes les directions. Il y a délégation de l’autorité et par conséquent, les décisions se prennent à tous les échelons.
5. LES DIFFERENTS MODELES D’ERREUR
1.1. LES 3 ROLES : MANAGER/ EXPERT/ CANDIDE
– Le manager est défini comme une personne investie d’un pouvoir hiérarchique.
– L’expert est celui qui possède une connaissance approfondie d’un sujet particulier, acquise par la formation et l’expérience, connaissance que ne possèdent pas les autres acteurs de l’organisation.
– Le candide est un sujet qui n’est pas expert sur le sujet.

1.2. LES 5 ACTIONS VIS A VIS DE L’ERREUR
Produire l’erreur, Demander l’erreur, Suivre l’erreur, Être absent de l’erreur, S’opposer à l’erreur

1.3. DES MODELES DE PRODUCTION DE L’ERREUR
 Modèle hiérarchique autonome ex: communication en entreprise

L’autorité s’enfonce dans une solution contraire, sans recourir à aucun moment à l’expertise disponible, même quand elle constate le résultat erroné. Et cette autorité hiérarchique, devant l’opposition des candides, au lieu d’en tenir compte, se tourne vers d’autres clients.

On trouve beaucoup d’exemples dans le domaine de la communication. Bien des responsables en entreprise ressentent le besoin de mener une politique de communication interne sur leur action. Mais ils ne voient pas ce sujet comme une question technique nécessitant le recours à des spécialistes. Ils conçoivent, selon un bricolage cognitif, des actions de communication qui sont totalement inadaptées au public visé et qui, parfois, se retournent contre eux.

 Modèle hiérarchique autonome accepté ex: l’éruption volcanique
Ici encore le manager est producteur de la solution absurde, mais l’expert devient opposant et le candide suiveur.
Devant le risque élevé d’éruption d’un volcan, les pouvoirs publics, de peur de ne pas maîtriser la situation, ne font pas évacuer la zone dangereuse, contre l’avis des experts. Les candides (les habitants) acceptent cette décision car, plus ou moins rassurés par l’attitude des autorités, ils sont heureux de ne pas abandonner leurs foyers.

 Modèle hiérarchique validé ex: Tenerife 1977
Le Manager produit la solution absurde, mais ici il reçoit le soutien de l’expert qui est suiveur. Quant aux candides ils sont absents.
Ce modèle se rencontre dans des organisations dont l’activité est techniquement si sophistiquée que les managers sont en même temps des experts (cockpit, salle opération…) Cela présente un atout considérable : l’existence d’une capacité analytique de haut niveau partagée. Mais paradoxalement cela constitue un facteur d’erreur de représentation : si le manager se trope, l’expert, qui sait que ce manager est aussi un expert, peut hésiter à intervenir, pris dans un conflit cognitif. Ce silence de l’expert peut être interprété par le manager comme une confirmation de son choix.

Dans le cas de l’accident de Tenerife en 1977, le pilote commandant de bord de la KLM était un instructeur. L’officier mécanicien demande au commandant par deux fois « n’a-t-il pas dégagé la piste ? » en parlant du Boeing de la Pan Am. Mais il ne s’oppose pas à la décision du commandant de décoller.

 Modèle hiérarchique démuni ex: Challenger

Ici l’expert est opposant mais son opposition vient de son ignorance.

La décision de lancer la navette Challenger le 28 janvier 1986 apportaient à ce modèle. Lorsque la vague de froid est arrivée sur la Floride, les spécialistes des joints ont pressenti le danger et se sont opposés au lancement. Mais ils n’avaient pas de données chiffrées issues de mesures de type scientifique pour motiver leurs craintes. Ils étaient opposants sans détenir des arguments propres aux experts. Les managers n’ont pas accepté cette ignorance sur l’effet des températures.

 

La simulation comme outil d’apprentissage de l’éthique en santé dans les études médicales

Thèse de Philosophie.
Laboratoire d’accueil : Ethique, Professionnalisme et Santé, EA4686, Brest
Directeur : Pr Jean Jouquan, Faculté de Médecine de Brest.
Co Directeur : Pr André Quaderi, Département de Psychologie, Faculté des Lettres de Nice.

Equipe d’Accueil « Ethique, Professionnalisme et Santé »

CONTEXTE ET EXPOSE DE LA PROBLEMATIQUE
Aujourd’hui il n’existe pas pour la profession médicale, collaborant par ailleurs à l’échelle mondiale dans le domaine de la recherche et des thérapies, de programme de base universel pour l’enseignement de l’éthique.
En France l’enseignement d’éthique médicale est explicitement nommée au nouveau programme (2013) des études du second cycle (DAFSM), à la fois en tant qu’enseignement autonome (items 8, 136 à 140), et à la fois intégré dans des questions plus « cliniques », notamment en cas de pathologie à évolution défavorable. Le texte précise que le futur médecin est responsable aux plans éthique et déontologique : « l’étudiant a une attitude guidée par l’éthique, le code de déontologie et adopte un comportement responsable, approprié, intègre, altruiste visant au bien-être personnel et à la promotion du bien public se préparant ainsi au professionnalisme. » (Annexe : les compétences génériques).
La formation en éthique médicale au sein des facultés françaises a généralement pour objectif de consolider la réflexion éthique et de fournir des outils permettant d’apporter des solutions aux dilemmes qui peuvent se poser dans certaines situations complexes. Mais au-delà du cadre légal de l’intervention du praticien, l’éthique « du quotidien » se traduit par des attitudes, des comportements adaptés comme l’affirme le texte… Or un comportement adapté, une communication appropriée, une empathie sincère, peuvent-ils faire l’objet d’un apprentissage spécifique en formation initiale ?
Le sujet de ma recherche est la formation des futurs médecins en éthique en santé.
Membre du département d’éthique de la faculté de médecine de Nice et chargé d’enseignement au sein du centre de simulation de cette faculté, j’ai décidé d’entreprendre une recherche doctorale pour approfondir l’analyse de notre action de formation.
La simulation en santé est une méthode pédagogique active qui s’adresse à tous les professionnels de santé. Elle correspond « à l’utilisation d’un matériel (mannequin, simulateur procédural, etc.), de la réalité virtuelle ou d’un patient dit « standardisé » pour reproduire des situations ou des environnements de soins, pour enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et permettre de répéter des processus, des situations cliniques ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels. »
Ma problématique envisage la place et la pertinence de la simulation en santé dans le domaine de l’éthique.
Cette recherche aura pour objectifs de :
– Décrire l’importance de l’éthique médicale;
– Passer en revue les méthodes utilisées dans le monde pour enseigner l’éthique médicale;
– Analyser l’utilisation d’une méthode, celle de la simulation en santé;
– Effectuer une évaluation approfondie d’un programme d’études utilisant la simulation
Mon hypothèse générale est que cet outil améliore significativement les performances des étudiants de Médecine dans ces compétences non techniques.

POSITIONNEMENT DE LA RECHERCHE ET QUESTIONNEMENTS

Le référentiel de compétences

La première difficulté réside dans le référentiel de compétences que l’on souhaite apporter à ces étudiants.
Premièrement faut-il parler d’éthique médicale, ce qui serait très logique concernant la formation de futurs médecins, ou parler d’éthique en santé, si l’on considère cette œuvre de réflexion comme collective, touchant à la fois les médecins, les soignants et même les patients ?
Deuxièmement quelle définition de l’éthique apporter ? Bien souvent dans les études de médecine l’éthique en santé se résume à des questions de bioéthique (début de la vie, fin de vie, greffe…). Or l’éthique en santé se résout-elle dans la jurisprudence et les limites légales de l’acte médical ? Qu’est-ce que respecter la dignité du patient ? Comment penser le dilemme entre une juste information au patient, le respect de sa liberté et la conviction du médecin sur la thérapeutique la plus adaptée, sans parler des contraintes financières et sociétales qui pèsent sur ce choix ?
L’écoute et l’empathie sont au cœur de l’éthique en santé. Mais ces compétences relationnelles peuvent-elles faire vraiment l’objet d’un apprentissage, au risque de figer dans des théories une praxis ? Par ailleurs le compagnonnage par les médecins seniors, des internes et des étudiants en médecine au cours des stages n’est-il pas suffisant ?
L’éthique en santé s’intéresse aussi au travail collectif entre professionnels de santé, au respect des individus, au juste exercice de l’autorité, à la résolution saine des conflits… Là encore, le travail en équipe est-il vraiment du domaine de l’éthique en santé ? En quoi peut-il faire l’objet d’un apprentissage spécifique au sein des facultés de médecine dans le cadre de la formation en éthique ?
La question posée est donc d’abord d’ordre épistémologique. Il s’agit d’interroger les postulats et les méthodes de l’éthique médicale, afin d’en déterminer l’origine logique, la valeur et la portée scientifique et philosophique.

Hypothèses de travail :
La première est que la quasi absence de travail de la relation au patient dans les études médicales est le produit de mécanismes de défense individuels et collectifs face à l’angoisse suscitée par la mise en présence de l’Autre, de son intimité, de sa maladie, de sa mort.
La deuxième est qu’il se réalise au sein des facultés de médecine un « curriculum caché », un enseignement opaque, se transmettant par imitation des seniors par les étudiants, créant ainsi une culture où le soin (cure) relève du médical mais non plus le prendre soin (care), tâche au mieux déléguée à des paramédicaux.
La troisième est que les médecins qui ont une relation adaptée à leurs patients ont été marqués par une expérience professionnelle ou une expérience de vie qui leur a fait prendre conscience de la dimension relationnelle et empathique de leur métier.

La simulation en santé

La simulation en santé est une méthode pédagogique active dont le but est de recréer des gestes techniques et des situations professionnelles des soignants dans un environnement réaliste.
Se pose ici la question du « réalisme » : comment le définir ? Qu’est ce qui dans le dispositif joue dans le sens de ce réalisme ou au contraire lui fait obstacle ?
A travers des jeux de rôle les futurs professionnels se familiarisent aux situations auxquelles ils vont être confrontés ou sont déjà confrontés sur leur lieu de stage. Des objectifs pédagogiques clairs et précis sont établis et travaillés en amont par les formateurs.
Mais fondamentalement est-ce possible d’enseigner l’éthique à travers des jeux de rôle qui ne sont pas la « vraie vie » ? Quelle est la tension qui existe entre cette immersion fictionnelle et l’apprentissage réel ? Pourquoi les participants à certains moments « font semblant » devant leurs collègues et à d’autres moments « se prennent au jeu» ?
S’il y a apprentissage, comment se déconstruisent des habitus professionnels pour que d’autres s’élaborent ? La simulation allie des tâches dites « techniques » (soins, élaboration d’un diagnostic médical à partir de signe cliniques, etc…) et des interactions relationnelles. Quelle place donner aux routines, dans certains cas facilitatrices de la réalisation des tâches, dans d’autres cas s’apparentant à des attitudes professionnelles mécaniques ? Plus fondamentalement comment se noue un jeu didactique entre les participants et les formateurs ? Qu’est-ce que les formateurs veulent enseigner et qu’est ce qui est appris par les participants ?

Psychologue au sein des Urgences du CHU de Nice et chargé d’enseignement à la Faculté de Médecine, j’utilise la simulation dans le cadre de la formation des étudiants en santé et des professionnels du CHU. Ma Recherche- Action veut donc se centrer sur les étudiants en Médecine dans le cadre des séances de simulation que j’anime, organisées à la Faculté de Médecine de Nice sous l’égide du Département d’Ethique et de Sciences Humaines.

Dans certains cas les scénarios sont écrits par les élèves eux-mêmes à partir de leurs expériences vécues. Je privilégie ce dispositif quand le nombre de participants et le temps imparti le permet car il me semble que la mise en commun en petit groupe de ces expériences, et l’écriture des scénarios permettent un échange et une élaboration collective. Dans ces séances de simulation les jeux de rôle sont habituellement filmés afin de permettre aux acteurs de réaliser une auto confrontation avec leur jeu. Ce temps de débriefing conduit par l’animateur et un expert (médecin spécialiste entre autre) implique aussi les observateurs, des étudiants n’ayant pas joué la scène ou des patients ressources, appelés aussi patients experts. Au terme de la séance, une synthèse finale permet à chacun de dire ce qu’il retient de la formation et de compléter l’enseignement par les formateurs.

De multiples questions émergent de ce dispositif.
Lorsque les scénarios sont écrits par avance par des professeurs de médecine, quels sont les objectifs des rédacteurs ?
Dans les cas où les scénarios sont écrits par les étudiants en médecine on peut s’interroger sur les effets de ce temps de parole libre pour les participants et sur les critères qui conduisent au choix de telle histoire pour produire le scénario du groupe.

La première partie du débriefing insiste sur les émotions éprouvées par les acteurs. Or souvent les professionnels de santé cherchent à tenir leurs propres émotions à distance. Est-il si pertinent de prendre conscience de ses émotions dans l’exercice d’un métier de santé ? N’y a-t-il pas des risques pour soi et pour le patient à les faire apparaître dans le soin et la prise en charge ?

Dans les jeux de rôle des acteurs doivent endosser un profil de personnalité qui n’est pas le leur (acariâtre, quérulent, bonhomme, hystérique etc…), d’autres ne sont pas mis au courant du déroulement du scénario … Dans certains cas les professionnels de santé jouent le rôle du patient, ou bien encore un soignant joue le rôle d’un médecin ou l’inverse…
Pour un des acteurs, ne pas connaître le scénario favorise-t-il l’authenticité et l’improvisation ? Quels sont les bénéfices à ne pas jouer son propre rôle professionnel ? Quels sont les effets d’apprentissage pour ceux qui doivent jouer une personnalité qui ne leur corresponde pas?
N’y a –t-il pas une injonction paradoxale à demander aux participants d’être «authentiques», de réagir comme dans la « Vraie Vie» et de produire par ailleurs un comportement qui va faire l’objet de remarques et de critiques, donc « normé » par le groupe, par les formateurs ?

Comme on l’a déjà signalé, la simulation mêle compétences « techniques » et « non techniques », autrement dit relationnelles. Lorsque les acteurs entrent en relation dans le jeu de rôle, ne font-ils pas que « mimer la relation » ? Ou bien s’il est possible de se « prendre au jeu », quels sont les ressorts pour le participant de son engagement dans le scénario, de son immersion dans cette néo-réalité, de l’authenticité de ses attitudes ? Est –il éthique d’apprendre aux étudiants à faire semblant, faire semblant d’être empathique par exemple, sans pour autant qu’ils éprouvent un authentique souci pour le patient ?
Les profils de personnalité des étudiants sont différents. Si certains ont une approche du patient suffisamment adaptée, d’autres sont en difficulté et certains peu nombreux semblent indifférents, voire toxiques. Quels sont les effets de la simulation sur les uns et les autres ?

Il faut aussi interroger la place des formateurs eux-mêmes.
L’animateur endosse tour à tour et en même temps les rôles de formateur, metteur en scène, professionnel de santé avec son statut propre (médecin, psychologue ou autre…), collègue de travail… Quels sont les effets sur le groupe, sur l’apprentissage des participants du statut des formateurs ?
Dans les temps de débriefing, l’animateur est là avant tout pour susciter la parole, pour poser des questions sur les processus de pensée, sur les émotions mobilisées qui ont conduit les acteurs à interagir ainsi. Il ne s’agit pas de juger de bons ou de mauvais comportements mais d’interroger le cheminement de l’acte, acte pétri de volonté de bien faire, de stress lié à la présence d’observateurs, de réactivation d’éléments refoulés et inconscients parfois…
Quel est l’effet de la simulation sur les individus mis en difficulté dans leur jeu de rôle ? Le principe de non jugement et de non punition de l’erreur mis en avant dans la simulation est-il en fin de compte si réel ? Face à un participant inadapté dans ses réactions quel est l’effet de groupe à l’issue de la séance ?

Hypothèses de travail :
La première est que les étudiants prenant conscience du retentissement émotionnel qui les habite quand ils entrent en relation avec le patient, sont plus aptes à percevoir les émotions du patient et améliorent de ce fait la qualité de l’alliance thérapeutique avec lui.
La deuxième est que le temps de débriefing est un apprentissage efficace pour initier aux dimensions réflexive et collégiale, et laisser de côté les rapports hiérarchiques, en favorisant la prise de parole au sein des unités de soin.
La troisième est que l’écriture des scénarios favorise l’analyse de la pratique professionnelle, permettant même des mouvements cathartiques chez les sujets.
CHAMPS THEORIQUES
Divers champs de connaissances sont propres à éclairer ces questionnements et ces hypothèses.
Tout d’abord celui de la sociologie. La sociologie des professions peut éclairer le rôle sociologique du médecin. Il s’agit d’analyser chez les étudiants en médecine la construction de leur autonomie et de leur légitimité, leurs pratiques, leur rôle dans les organisations. Les recherches sur la clinique de l’activité mettent en évidence le rôle du groupe, les défenses de groupe, le sentiment d’appartenance, les conditions de la coopération, divers éléments qui peuvent permettre d’analyser la constitution d’un « corps médical ». En faisant appel à la sociologie critique on peut aussi analyser la figure du médecin dans l’imaginaire social, qui par le fantasme de la légitimité scientifique dont il est revêtu, occupe une position dominante sur tout ce corps social. Enfin E. Goffman pour sa part, a développé la Métaphore théâtrale et mis en avant le concept de présentation de soi, envisagent la vie sociale comme une « scène » avec ses acteurs, son public et ses « coulisses ». L’apprentissage par la simulation doit pouvoir trouver là des concepts opérants.
Le champ de la philosophie morale. Il faut aborder la question du contenu de l’éthique en santé dont nous avons déjà parlé. Le débat est immense car il rejoint celui du statut de l’éthique au sein de nos sociétés et de l’opposition qui a émergée au cours de l’histoire entre l’éthique et la morale. L’éthique en santé est dominée par la classification commode de Childress et Beauchamp (Autonomie, Bienveillance, Non maltraitance, Equité). Leur ouvrage ouvre aussi de façon intéressante le champ de l’éthique des vertus, remise à l’honneur par Aldasair MacIntyre qui fournit des outils d’interprétation et d’analyse utiles à notre travail. Par ailleurs les travaux d’Avishai Margalit et d’Axel Honneth peuvent éclairer la question contemporaine de la reconnaissance, reconnaissance du patient articulée à la reconnaissance du soignant.
Le champ de la didactique. Il nous faut tenter de décrypter les mécanismes complexes de l’apprentissage. Le concept de transposition est particulièrement éclairant. En effet le savoir savant est un savoir décontextualisé et souvent coupé de son histoire. Il fait l’objet d’une transposition (recontextualisation, reproblématisation, voire redéfinitions) pour être enseigné à un niveau donné. Or en éthique le savoir est tout particulièrement associé à des savoir-faire et même des savoirs-être. La simulation n’est pas exempte de ce processus de transposition mais cherche en partie à en gommer les écueils d’abstraction et de généralisation, très éloignés d’une science pratique telle que l’éthique. La didactique professionnelle est aujourd’hui un champ en soi qui s’appuyant sur l’ergonomie cognitive pour analyser le travail, s’intéresse au développement des compétences du sujet, central dans la formation des étudiants en médecine. Les élaborations théoriques du modèle socioconstructiviste sont très pertinentes dans notre démarche enfin car dans la simulation la part active du sujet est majeure. Ses représentations, ses conceptions initiales ne sont pas seulement le point de départ et le résultat de l’activité d’apprentissage, elles sont au cœur de ce processus.
Dans ce travail à la confluence de la pédagogie et de l’éthique, le concept d’apprentissage par compétence intégrée développé par Jean Jouquan pourrait être mis en dialogue avec ceux de « pratique », « bien interne » et « vertu » chez MacIntyre. L’enjeu de cette recherche est plus de penser des référentiels de compétences intégrant la façon de penser les pratiques professionnelles éthiquement acceptables, plutôt que de considérer immédiatement des « référentiels de compétence en éthique ».
Dans le champ de la psychologie les domaines de recherche sont multiples. Ce type de formation relève au sein des facultés de médecine en partie de la psychologie médicale. Les ouvrages du psychiatre et psychanalyste Lucien Israël et la théorisation des groupes de parole entre médecins menée par Michael Balint sont à même de situer les enjeux psychiques que soulève l’exercice professionnel médical. L’outil de la simulation lui, interroge les sciences cognitives. Les théories socio-cognitives mettent en avant l’apprentissage par imitation : l’élève répète par imitation, il observe et analyse les étapes de la réalisation d’une action par quelqu’un de semblable avant de le copier, de faire soi-même la même chose. Ce processus est à l’œuvre dans le compagnonnage, étape importante de la transmission de l’art médical, tout spécialement au sein des facultés de médecine et des services hospitaliers en France.
La théorie de l’intelligence émotionnelle peut apporter aussi un éclairage. L’intelligence émotionnelle désigne « l’habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre et à raisonner avec les émotions, ainsi qu’à réguler les émotions chez soi et chez les autres » (Mayer &Salovey, 1997). Le développement de l’empathie chez les étudiants, les freins et les résistances observés dans les jeux de rôle dans ce lâcher prise face au patient, tous ces mouvements psychiques pourront certainement être éclairés par cet outil théorique. Cette question de l’empathie, à distinguer de la sympathie et de la compassion est un concept clef dans l’actualité des recherches au carrefour entre cognitivo-comportementalisme, biologie et psychanalyse.
Du côté de la psychanalyse, il faut faire une place toute particulière à la psychanalyse de groupe. Ses apports permettent d’éclairer les effets transférentiels et contre-transférentiels dans le positionnement éthique du médecin et de l’équipe. Je souhaite reprendre les travaux de Serge Lebovici sur le Psychodrame analytique individuel, ainsi que les analyses d’Ophélia Avron sur le jeu scénique. La notion de catharsis est à l’œuvre comme nous l’avons déjà évoqué dans les processus d’écriture et de jeu. Des mouvements psychiques puissants (colère, régression, angoisse…), des éléments inconscients peuvent émerger dans les séances de simulation. Il s’agit de les contenir de façon souple, mais de ne pas faire non plus de ces temps des psychothérapies de groupe. Cet affleurement qui marque la levée des défenses est le gage d’une vraie transformation interne des sujets et des groupes.
Enfin la simulation en santé est l’objet d’un nombre grandissant de publication dans le domaine des sciences médicales.
METHODOLOGIE
Le développement de ma thèse se déroule en trois phases :
Contextualisation :
Je vais décrire l’importance de l’éthique médicale et passer en revue les méthodes utilisées dans le monde pour l’enseigner. Pour établir ce référentiel de compétences je reprendrai les textes de référence du contenu des études médicales et je ferai une revue de la littérature internationale sur ce domaine. En particulier je souhaite analyser l’utilisation actuelle au sein des facultés et des hôpitaux de la méthode de la simulation en santé.
J’interrogerai aussi des professeurs de médecine, des médecins en exercice, des étudiants en médecine. Je leur demanderai quelle est leur définition de l’éthique en santé, leur formation dans ce domaine, leurs expériences, leurs attentes…
Étude pratique :
Il s’agit d’évaluer de façon approfondie un programme d’études utilisant la simulation.
Je souhaite comparer les compétences « non techniques » des étudiants avant et après les séances de simulation à l’aide d’un questionnaire sur l’empathie et un autre sur la communication au sein du travail d’équipe, avec dans l’idéal un groupe témoin.
Par ailleurs vu que les séances sont filmées, je proposerai aux étudiants et aux formateurs une auto confrontation avec leur jeu de rôle et j’analyserai leurs réflexions sur un échantillon suffisamment représentatif.
Evaluation
Pour l’évaluation de cette méthodologie d’apprentissage de l’éthique je ferai appel à des experts, membres du département d’éthique de la faculté de médecine et du comité d’éthique du CHU (Espace Ethique Azuréen) pour les confronter aux séances de débriefing enregistrées et recueillir leurs réactions et leurs remarques.
Il s’agira aussi de déterminer des critères de généralisation de cette méthode d’apprentissage de l’éthique en milieux d’études de la santé : instituts de soins infirmiers, écoles de cadre de santé, école de sages-femmes, écoles d’aides-soignants etc…

Ce choix méthodologique d’interroger les divers acteurs présente la limite de travailler sur du déclaratif, avec toutes les distorsions et les défenses afférentes, comme l’ont montré diverses études de sciences sociales (cf. C. Rousseau). Quant à la confrontation aux images, des groupes de recherche en clinique du travail ont proposé des guides méthodologiques.
DEROULEMENT OPERATIONNEL
Pour déterminer un plan de travail suffisamment structuré, il est indispensable d’envisager, sur les trois ans de recherche le déroulement opérationnel.
Schématiquement, voilà la proposition d’organisation du travail.

Pendant la première année de thèse, j’ai relevé six objectifs opérationnels à concrétiser:
A. Mise en place d’une activité de recherche commune avec les enseignants-chercheurs sur Nice et d’autres universités dans ce domaine ; Rédaction et formalisation d’un plan de thèse ;
B. Développement et rédaction de la première partie de la thèse et notamment la recherche documentaire ;
C. Accroissement des connaissances, des techniques, des modèles d’investigation et des instruments méthodologiques à utiliser, notamment sur l’analyse des discours appliqués aux premiers entretiens.
D. Passation des entretiens avec les professeurs, les médecins, les étudiants en médecine.
D. Vérification et renforcement des hypothèses relatives à la deuxième partie de la thèse et choix définitif des outils expérimentaux.
E. Élaboration d’un document en fin d’année universitaire, en présentant de façon la plus détaillée et la plus précise possible les hypothèses, les sources et les méthodes de la recherche expérimentale.

Pour la deuxième année, les objectifs à moyen terme seront :
A. Collaboration, mutualisation des ressources et renforcement des liens avec les partenaires universitaires (Faculté de Médecine, Laboratoires de Recherche en Sciences Humaines de l’Université de Nice, Service des Urgences, IFSI de Nice, IFCS) ;
B. Développement et rédaction de la deuxième partie de la thèse ; vérification et analyse des hypothèses sur lesquelles la recherche expérimentale est fondée ; Analyse préliminaire et partielle des résultats.
C. Élaboration d’un document en fin d’année universitaire, présentant la planification de la troisième partie de la Thèse notamment les modalités d’évaluation et de généralisation.

Enfin, pour la troisième année, les objectifs opérationnels à terme seront :
A. Evaluation de la recherche ; Analyse et discussion des résultats ;
B. Développement et de la troisième partie de la Thèse. Finalisation rédaction définitive de la recherche;
C. Soutenance de fin de cycle d’études.
OBJECTIF A TERME ET ORIENTATION DU TRAVAIL
Je souhaite donc interroger l’idée selon laquelle la re-contextualisation des situations professionnelles vécues favoriserait l’apprentissage des questionnements éthiques. Dans le cas où cette hypothèse est vérifiée je souhaite mettre en évidence ce qui favorise une progression de ces approches.
Outre la formation initiale, des données utiles peuvent ressortir dans le domaine de la formation continue des professionnels de santé. Sans mettre de côté les formations institutionnelles qui sont dispensées au sein des structures de soins, la mise en place de plan de formations intégrant de façon systématique cet outil pédagogique pourrait être un levier d’amélioration du travail en équipe, de la prévention des risques psychosociaux, de la qualité de vie au travail, mais aussi d’une plus grande satisfaction des patients, souvent plus sensibles au premier abord à la qualité de l’accueil et de la relation qu’à la pertinence d’un diagnostic ou d’un traitement.
D’autre part une démarche de recherche scientifique dans ce domaine de la communication, du développement des capacités relationnelles, plus généralement du savoir-être, peut en partie s’appliquer à d’autres champs, dans d’autres métiers, où le service à la personne, la « relation client », la satisfaction des usagers sont au cœur du processus de travail. Les outils méthodologiques d’analyse de l’activité d’apprentissage, les écueils et les limites d’un dispositif de simulation, tout particulièrement dans ce domaine de l’éthique, pourront trouver je l’espère d’autres applications.
PROJET D’ORIENTATION
Ce doctorat de recherche représente pour moi la synthèse d’un double parcours humain, professionnel et universitaire : psychologue, formateur au sein du CHU et de la faculté de médecine et des instituts de formation pour les cadres et les infirmiers. À l’heure actuelle, après quatre ans dans le suivi des patients au sein des Urgences et la formation des professionnels de santé, je ressens la nécessité de partager, d’apprendre et de me confronter à des savoirs complémentaires. Le travail poursuivi me permettra d’évoluer, de renforcer et d’accroître mes compétences professionnelles et les faire valider par un diplôme de haut niveau.

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