L’éthique au sein d’une équipe de soin: pour la recherche d’une éthique du talent

Il apparait que l’éthique médicale se situe aujourd’hui très largement dans une dialectique entre la Loi et la Liberté, et dans une opposition assez pauvre entre éthique de conviction, qui serait basée sur des certitudes morales, et une éthique de responsabilité évaluant avec doute et précaution les conséquences de nos décisions.
Le risque est de réduire les questions éthiques aux choix de conscience en situations extrêmes : début et fin de vie, maladies dégénératives en perte d’autonomie, grossesse pour autrui ….Or ce qui regarde le vivre ensemble, le travail collectif, la construction d’une équipe de soin efficace, qui relèvent du « management », de la formation institutionnelle, et du développement personnel …sont tout autant du domaine de l’éthique , et de l’éthique au travail !
Une vision plus large de l’éthique doit appréhender le comportement du professionnel dans sa dimension humaine globale, c’est à dire au carrefour de son corps avec sa raison, son psychisme, sa spiritualité.
Communiquer avec le patient , sa famille, respecter leur intimité, leurs convictions, accueillir sans discrimination la précarité et le handicap… font partie de ce « tout humain » nécessaire à la pratique du soin. Pour un responsable, faire face à un conflit au sein d’une équipe, annoncer la maladie grave, la mort, aborder les questions d’argent avec son patient….autant « d’éthos » (comportements) qui nécessitent de la part de tous : soignants,patients, familles, une information franche mais parfois incertaine et une communication respectueuse, bienveillante, supportable mais vraie. C’est la garantie d’une décision libre et partagée dans le respect mutuel.
Aristote décrit l’homme comme un animal « politique », c’est à dire fait pour vivre au sein de la communauté des « hommes », dont il tire sa propre humanité. De façon générale, par notre travail, nous nous rendons mutuellement service. Au cœur de la rencontre avec l’autre dont le visage est unique, mais qui es « homme » lui aussi, se réalise notre épanouissement …tout autant que le sien. C’est dire si notre vie humaine est par essence une vie sociale, une vie dans et par l’autre.
Or ces relations de personne à personne, éminemment subjectives, difficilement mesurables, peuvent etre ignorées par des systèmes cherchant à établir une quantification du « travail » dans un souci purement économique. Le risque est grand , sous prétexte de recherche de la « qualité des soins » réduite de fait à un « hygiénisme matériel et intellectuel » de tomber ( et d’entrainer l’équipe avec soi ) dans un enfer relationnel et managerial pavé de bonnes intentions.
Laurent Degos, ancien président de l’HAS disait : « Aujourd’hui, on crée des protocoles pour tout . Il existe des protocoles pour des contrôles,des contrôles de protocoles, des contrôles de contrôles,….ce qui conduit à une déresponsabilisation des professionnels. Il faut redonner la possibilité d’anticiper, et valoriser l’esprit d’équipe et le talent  »
… C’est à dire faire s’exprimer les talents au sein de l’équipe, dans une démarche individuelle et collective, qui peut alors assumer sa responsabilité humaine et soignante.
Alain Percivalle

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